samedi 8 septembre 2007

Les Amours d'Astrée et de Céladon

D'où vient que le dernier film de Rohmer nous semble plus exaspérant encore que d'ordinaire ? Du décalage constant entre l'attendu et ce que le cinéaste nous propose, sans doute. De fait, tout ce film semble n'être qu'un grand et pesant décalage. Si c'est voulu, alors chapeau bas, Maître - même si l'on peut se permettre de douter du bien fondé d'une telle entreprise.
Pourquoi, par exemple, confier un texte aussi délicat, aussi raffiné (dans l'esprit du moins, car le texte dit propose quelques surprenantes entorses à la langue chaste et châtiée à laquelle le cinéaste nous a habitués, nous y reviendrons) à des acteurs incapables de le dire avec grâce et naturel - à l'exception remarquable du formidable de Jocelyn Quivrin ? Le moindre mot sonne faux, le parasitage de "e" muets en fin de phrases (du genre : "Il va venireuh") côtoyant un irrespect arbitraire du respect des "e" muets au sein de ce qui semble pourtant être autant de vers blancs. Les chants aussi (celui d'Astrée, surtout, il est vrai) sont de véritables épreuves pour l'oreille, rappelant trop outrageusement les inflexions et les tics de nos jeunes Staracadémisables pour n'être pas souhaités par le réalisateur, c'est évident. Mais pourquoi ? Pourquoi tant de haine ? Et pourquoi malmener le français lui-même, quand on se targue de faire revivre l'une des perles de la littérature précieuse ? Certes, les ruptures de constructions, les anacoluthes et autres effets du même genre étaient non seulement fort goûtés de l'époque, mais tout bêtement autorisés par une langue pas encore aussi sclérosée que celle que nous ont léguée le XIXe siècle et l'ami Littré. Mais un tel fourre-tout aussi mal emballé (on ne peut s'empêcher de penser à quelque spectacle de patronage) peut-il sincèrement convaincre un public cinéphile ? De même que les amateurs d'opéra aiment encore voir Caballé sur les planches, même s'ils ne retrouvent absolument rien de ce qui fit sa gloire il y a quelque vingt ans maintenant, de même les idolâtres de Rohmer doivent-ils retrouver là le souvenir de ce qui fut le cinéaste de génie que l'on sait pour ressortir les yeux émerveillés de ce qui, disons-le, restera assurément l'un des pires pensums de cette rentrée 2007.
JJG.

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